The Four Seasons - Genuine Imitation Life Gazette (1969)

CHEZ LES MORTS / POP BAROQUE : Tout le monde connaît The Four Seasons, mais le plus souvent à l'insu de son plein gré. Grâce à Frankie Valli dont la voix de fausset est capable de négocier un grand huit d'octaves, ils enchaînent les tubes au début des 60's avec leur pop vocale inspirée par le doo-woop. Ce sont par exemple les premiers à interpréter "Can't Take My Eyes Off You" en 1967 comme le raconte Jersey Boys, film poignant bien qu'amidonné de Clint Eastwood, qui oublie d'évoquer le chef d’œuvre qui nous occupe dans cette bafouille.

En effet, après la triomphale tournée américaine des Beatles en 1964, les morceaux des Four Seasons rivalisent quelques temps dans les charts. Pourtant, ce qui apparaît comme une musique fraîche jusqu'en 1964 se ringardise progressivement avec les nouvelles ambitions formelles des Fab Four puis la mode psychédélique. C'est dans ce contexte que les compositeurs Bob Gaudio et Jake Holmes sont engagés pour façonner Genuine Imitation Life Gazette, album concept et update stylistique.

Cette œuvre retient du psychédélisme la remise en cause de l'ordre établi que ce soit en s'attaquant par la satire au modèle américain comme sur l'immense "American cruxifixion resurrection"  ou en démolissant la structure traditionnelle des morceaux. Assez peu soumis au moule de la musique hippie, Genuine Imitation Life Gazette possède plutôt - à la suite de Pet Sounds des Beach Boys ou de Sgt. Pepper's de vous savez qui - une ambition formelle assez folle qui le rapproche du Song Cycles de Van Dyke Parks, rien que ça. Une œuvre protéiforme qui organise une collusion époustouflante des registres : un thème orchestral triomphant dans lequel s'insère un motif ragtime est soudainement stoppé par une ballade déchirante ou un thème pop rapidement avorté. L'ensemble évoque une structure rococo baroque qui serait tenue de bout en bout par sa maîtrise époustouflante.
 
Malgré la bonne réception critique, les vieux fans sont déstabilisés par tant d'audace et l'image d'un groupe à papa leur colle bien trop à la peau pour intéresser la jeunesse contestataire : c'est l'échec commercial. Si la reconnaissance tarde encore à venir, l'album est progressivement devenu culte, rendant ainsi justice à un immense chef d’œuvre de l'époque.