Leafcutter John - The Forest and The Sea (2006, Staubgold)

CHEZ LES MORTS / FOLK TEXTURÉE : Qu'on se rassure, Leafcutter John n'est pas mort, juste trop discret. Neuf années se sont écoulées entre sa dernière production studio, Resurrection, sortie récemment chez Desire Path  et l’œuvre qui nous occupe aujourd'hui. Mais peu importe la reconnaissance, ce qui passionne Leafcutter John  - sous l'influence de Bernard Parmegiani - c'est plus la nature du son que la production phonographique. Une quête des origines d'ailleurs documentée sur un blog où il expose son travail de recherche : les étapes pour construire sa propre guitare, ses créations de logiciels pour musique interactive ou encore une interface lumineuse qui lui permet littéralement de sculpter la matière sonore dans l'espace ! Le résultat, certes expérimental, fascine par l'intuitivité apparente du dispositif et l'acuité sensorielle déployée pour se jouer d'une matière cristalline. Démonstration :



Retour en 2006. Leafcutter John sort son chef d’œuvre, The Forest & The Sea, généralement rattaché au genre folktronica en plein essor depuis le début des 00's. Du folk et de l'electronica, mais augmenté d'ambient, de field-recording et de manipulations électroacoustiques. Du folktronica certes, mais nettement plus proche en esprit de la renaissance élisabéthaine chantée par John Dowland et revue par le GRM que des morceaux de Tunng ou Four Tet !


The Forest & The Sea raconte l'histoire d'un homme et d'une femme qui s'égarent dans une forêt la nuit. Une perte de repères, source d'angoisse ou d'émerveillement se traduisant par un impressionnant remodelage du temps, celui-ci semblant se dilater au gré d'émotions qui prennent forme dans un drone diaphane, une dissonance gracieuse, un frémissement électronique... Les différentes sources et strates sonores sont en fait assemblées dans une minutie propice à une synesthésie musicale : voix, instruments acoustiques, textures électroniques se prolongent et participent d'un dérèglement des sens pour conduire l'auditeur vers un monde sensible d'une ampleur remarquable.

Si l'errance provoquée par une musique électronique impressionniste est bien totale, elle puise aussi sa force dans des morceaux folk tous plus admirables les uns que les autres. Des complaintes dowlandiennes donc, rehaussées d'électronique, assez sûres de leur écriture pour laisser place au silence.

A titre personnel, le morceau ci-dessous est une des choses les plus sublimes que j'ai pu entendre, côtoyant à jamais "Hang On To A Dream" de Tim Hardin ou "By This River" de Brian Eno dans mon petit panthéon.